top of page

Socrate le chat

Je suis né au mois de mai 2014, troisième chaton d’une petite portée. Je suis arrivé dans une famille humaine un poil débordée par notre arrivée, qui coïncidait avec l’arrivée de jumeaux humains. J’ai donc doucement découvert mon premier territoire, avec ma mère, mon frère et ma sœur.


Un jour, des personnes sont venues chercher mon frère, puis ma sœur. Nous avions bien entendu les humains parler de nous placer, vanter la beauté de certains et discuter de nous trouver de nouvelles familles. Je ne voyais pas pourquoi j’aurais voulu une autre famille ! Je suis resté encore quelques jours avec ma mère puis le père de la famille est venu me chercher. Je n’étais pas rassuré. Je me suis mis en mode mini tigre : tout ébouriffé et feulant. Mais je ne devais pas être bien impressionnant, car la dame qui m’attendait a dit « Oh, comme il est mignon… ». Je me suis calmé dans ses bras et la femme et un jeune homme qui l’accompagnait m’ont pris avec eux. Je n’ai même pas pu dire au revoir à ma mère. Le jeune me parlait pour me rassurer et je me suis retrouvé dans une mini maison roulante et bruyante. Comme cela faisait tout de même trop d’émotions pour une seule journée, je me suis endormi.


Le lendemain je me suis retrouvé dans un lieu très étrange (selon ma petite expérience de la vie), sans personne de connu, mais rapidement je me suis lancé à l’exploration : je me trouvais dans un endroit où il y avait du mobilier énorme pour ma taille (mais ça allait rapidement changer). Je n’arrivais donc à grimper nulle part sans aide. Mais fort heureusement il y avait plein de monde qui habitait là avec moi, la journée du moins. Des personnes très gentilles, qui me portaient sur ce qu’ils nomment table, qui acceptaient que je fasse la sieste avec elles ou qui acceptaient aussi que je fasse la sieste sur elles pendant qu’elles me veillaient. J’ai vu aussi rapidement qu’il y avait des animaux un peu comme moi, mais avec de longues oreilles et que je ne les intéressais pas vraiment. Moi j’avais assez envie de jouer avec eux comme avec mes frères et sœurs, mais sans trop de succès.



A ce moment les humains ont décidé qu’il me fallait un nom. Comme j’étais quand même assez calme pour un petit chat et que je m’endormais partout les pattes croisées, ils ont fait une sélection de nom de grands sages (je ne comprenais pas ce que ça voulait dire mais je comprenais que c’était un honneur), ils les ont mis dans un chapeau et un jeune homme a fait la main innocente… J’ai donc été nommé Socrate.


Ma découverte du lieu et de ses occupations a continué. J’ai plutôt joué avec les humains qu’avec les lapins et j’ai essayé plusieurs de leurs objets. J’ai entendu « Non Socrate, pas les crayons, arrête de marcher sur l’ordinateur, oh flûte, il a tout effacé, laisse le pull, sors de sous l’armoire, le maïs est le travail de cette dame, laisse les grains, non ne dors pas sur le marteau, etc... ». C’était vraiment amusant.


Puis en grimpant sur ce qu’ils nomment fauteuils, j’ai commencé à voir le vaste monde du dehors. Mais tout le monde disait que j’étais encore trop petit pour sortir. J’entendais aussi souvent les personnes demander à une dame de faire doucement avec les portes, à cause du petit chat.


Au bout de quelques semaines, j’ai pu sortir ! La première fois, j’ai eu très peur des animaux qu’ils nomment poules. J’ai sursauté et tous mes poils du dos se sont gonflés.

Mais rapidement j’ai pu aller partout avec les humains du lieu, d’abord sur leur épaule, puis au sol. J’ai donc découvert les poules, les canards, les oies, les chèvres et les poneys.

Au début je ne m’éloignais pas des humains connus puis j’ai pris mes aises et j’ai essayé de jouer avec tout le monde. Tant que j’étais vraiment petit, tout le monde était assez sympa avec moi. Puis je me suis enhardi et j’ai essayé de grimper sur les poules… Là c’était le branle bas de combat, les humains arrivaient en criant que je devais descendre, la poule courait en tous sens en caquetant, et moi je trouvais ça vraiment très drôle jusqu’au jour où le coq m’a clairement expliqué que les poules étaient sous sa protection et que je pouvais aller jouer ailleurs. J’ai dû gentiment abandonner ce jeu-là. C’est vraiment dommage.


J’ai été voir avec les canards et les oies si nous pouvions jouer ensemble. J’ai essayé de jouer avec la palme du jar, qui faisait peur à passablement de monde car il défendait son territoire, et là rebelote, l’humaine est arrivée en courant, pensant que le jar allait me pincer mais il m’a regardé avec curiosité et un peu d’indulgence pour mon comportement (il est vrai un peu irrespectueux). Je suis donc resté un peu en retrait des oies aussi, mais je pouvais me promener dans leur parc sans soucis.


Les chèvres étaient, comme les poneys, tout de même un peu trop grandes pour jouer avec moi. J’avais droit à leur relative indifférence quand je me promenais.

Chez les poneys, j’avais l’impression que j’étais déjà un peu en dehors de mon petit territoire, mais j’aimais bien y aller. Au début, je devais attendre que quelqu’un ouvre le portail pour y aller ou revenir, puis j’ai appris à grimper le long des poteaux et à sauter. Je restais néanmoins assez prudent et dès que je rencontrais quelqu’un ou quelque chose d’effrayant, je rentrais en courant.


Puis un jour de novembre, j’avais donc environ 4 mois, j’étais dans le parc des chevaux avec les humains du lieu et j’avais très envie d’aller voir le champ de l’autre côté de la route. Je suis donc sorti en grimpant par-dessus la barrière, je suis allé explorer le champ et ses derniers mulots. Mais quand j’ai voulu revenir il y avait entre moi et mon territoire un chien, qui avait très envie de jouer avec moi… Alors sous le regard effrayé de l’humain qui m’appelait, j’ai filé à toutes pattes à travers le champ. Et quand je me suis arrêté de courir, j’étais très loin de mon territoire mais il y avait tellement de nouvelles choses à explorer… je me suis promené mais quand j’ai voulu rentrer, impossible de retrouver mon chemin. Je me suis caché pour la nuit dans un petit trou et j’ai attendu. Le lendemain, j’ai fait pareil, j’ai marché, cherché mais rien reconnu, ni visuellement, ni olfactivement. Je commençais à avoir faim et soif. Je me suis dirigé vers une petite rivière que j’entendais et j’ai pu boire. J’ai finalement dormi plusieurs nuits dehors. J’étais de plus en plus effrayé, je rêvais de retrouver mon lieu de vie calme, mon bol de croquettes et surtout les humains et leurs câlins rassurants ! J’ai finalement réussi à revenir vers des maisons, j’étais sûr que mes humains m’attendaient, je sentais qu’ils m’appelaient mais je ne trouvais plus le chemin. En me promenant devant ces maisons, de nouveaux humains m’ont recueilli, et ils ont trouvé les petites annonces que mes humains avaient mis au village et ils m’ont ramené à ce que depuis ce jour je considère comme Ma maison. Qu’elle fête ce fût ! Tout le monde était tellement content de me revoir. J’ai beaucoup dormi et beaucoup mangé aussi. Dès que j’entends la boîte de croquettes, je cours vers elle et ce encore aujourd’hui. J’ai compris que tous les humains du lieu avaient pensé à moi, qu’ils m’avaient visualisé revenir vers la maison, comme guidé par un fil de lumière et je les remercie, car je pense que la force du lien et de leur amour m’a fait revenir dans la bonne direction. Je remercie aussi les autres humains qui m’ont aidé à faire le dernier bout du chemin, car j’étais vraiment épuisé.


Depuis ce jour-là, je suis très attaché à ce lieu et à ses humains : à la femme qui m’a recueilli, aux autres personnes responsables qui ont toujours une caresse et des croquettes pour moi, et à toutes les personnes qui viennent travailler vers les animaux. J’ai réalisé aussi que je déteste avoir faim, alors je mange à peu près tout ce qu’on me propose : nourriture pour chat, fin de repas de midi, même végétariens, miettes de goûter, la sauce à salade… Je suis devenu un bon chasseur, mais personne n’aime me voir manger mes proies. Je mange donc le fruit de ma chasse à l’abri des regards désobligeants.


Je participe activement aux jeux de société, en atterrissant sur les cartes ou en me couchant sur les puzzles.


Je me cache dans la cuisine dans les étagères et là ils me traitent de chat-pot…


Ou dans la caisse pour casser du pain et je deviens le chat-pain…


Quand les poneys travaillent, je vais jouer avec le bout du fouet, ce qui ne manque pas de semer la pagaille.


Et quand les humains du lieu ont fini de travailler, je vis ma vie de chat : je vais chasser, je visite les alentours, je connais toutes les gamelles à plusieurs kilomètres à la ronde et le lendemain, je suis fidèle au poste. Je n’aime pas les vacances, car là je reçois de la visite chaque jour, mais personne ne reste avec moi longtemps. Je suis donc plus en vadrouille lors de ces périodes.


Il semble quand même qu’après bientôt quatre ans de vie dans mon territoire paradisiaque, malgré toutes les bêtises que j’invente quasi quotidiennement, je fais bien rire tout le monde.



L’humaine qui m’a amené ici (et qui a mon âme à charge depuis) dit que je vois la lumière dans les gens. Je suis effectivement très sensible aux énergies qui se dégagent des gens et des lieux. Si quelqu’un ne me plaît pas, je file. Je peux suivre les gens « comme un chien », puis filer parce que le lieu ne me plaît pas. Je veille aussi sur les personnes qui font des crises d’épilepsie.


Je n’ai pas tout de suite compris quelle vie m’attendait quand la femme est venue me chercher alors que j’étais un tout petit chaton. J’ai bien failli me perdre complètement à cause de ma curiosité de jeune chat. J’ai ensuite compris que ce lieu est un lieu de vie magique et que je peux contribuer à ma façon à en faire un lieu encore plus exceptionnel. Depuis je veille à ma façon sur ce lieu et ses habitants, avec la nonchalance caractéristique des miens, mais avec une conscience bienveillante.

bottom of page